LE CINÉMA ENGAGÉ, UN PUISSANT OUTIL DE SENSIBILISATION EN AFRIQUE ET AU SÉNÉGAL

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Introduction

Le cinéma engagé est une force de transformation sociale, un outil d’éducation et de sensibilisation. En Afrique et au Sénégal, où les défis sociaux, économiques et politiques sont nombreux, il devient un moyen de lutte contre les injustices, la corruption, la pauvreté et les violences faites aux populations vulnérables.

Des films comme La Noire de… d’Ousmane Sembène ont permis de mettre en lumière l’exploitation des domestiques africaines en Europe, tandis que Moolaadé a contribué à un débat crucial sur les mutilations génitales féminines. De plus, le cinéma peut offrir un espace d’expression aux jeunes générations, leur permettant d’écrire leur propre récit et de revendiquer leur place dans la société.

Dans cette conférence, nous allons explorer le rôle du cinéma engagé en Afrique et au Sénégal, ses enjeux, ses thèmes majeurs, son impact concret sur la société et les défis qu’il rencontre.

I. Le Cinéma Engagé : Définition et Objectifs

Contrairement au cinéma de pur divertissement, le cinéma engagé vise à éveiller les consciences et à provoquer un changement social. Ses objectifs sont multiples :

  • Sensibiliser sur des problématiques sociales (exploitation des enfants, violences faites aux femmes, chômage, émigration clandestine…).
  • Dénoncer les injustices et inciter à des actions concrètes.
  • Éduquer les spectateurs sur des réalités souvent occultées.
  • Proposer des modèles positifs en montrant des récits d’espoir et de résilience.

Par exemple, Tey d’Alain Gomis aborde la spiritualité et la condition humaine, tandis que Les Sauteurs, un documentaire tourné par des migrants eux-mêmes, dénonce les conditions inhumaines des migrants subsahariens bloqués au Maroc.

II. Un Cinéma Porté par des Figures Emblématiques

Le cinéma africain et sénégalais a toujours été marqué par des figures qui ont osé utiliser l’image pour défendre des causes :

1. Ousmane Sembène : Le père du cinéma africain

  • Avec Xala, il dénonce la corruption des élites africaines après l’indépendance.
  • Avec La Noire de…, il met en lumière les souffrances d’une jeune domestique sénégalaise en France, abordant les questions du racisme et de l’exploitation.

2. Djibril Diop Mambéty : L’Afrique et ses illusions

  • Son film Touki Bouki (1973) critique l’obsession des jeunes Africains pour l’Europe et met en avant le mirage de l’émigration.
  • Hyènes (1992) s’attaque à la société de consommation et à la corruption morale à travers une adaptation du roman La Visite de la vieille dame de Dürrenmatt.

3. Alain Gomis : Une exploration du réel et de l’identité

  • Dans Félicité (2017), il raconte l’histoire d’une chanteuse de bar à Kinshasa luttant pour payer les soins de son fils blessé. Ce film met en lumière la condition précaire des femmes africaines dans un contexte difficile.

Ces réalisateurs montrent que le cinéma peut être un véritable moyen de contestation et d’action sociale.

III. Les Thèmes Clés du Cinéma Engagé en Afrique et au Sénégal

Le cinéma africain engagé aborde des sujets qui touchent directement les populations et reflètent les réalités sociales.

1. La colonisation et ses séquelles

  • Camp de Thiaroye d’Ousmane Sembène dénonce le massacre des tirailleurs sénégalais par l’armée française en 1944.
  • The Man Who Mends Women met en lumière le combat du Dr Mukwege contre les violences sexuelles en République Démocratique du Congo.

2. L’émigration clandestine et le désespoir des jeunes

  • Atlantiques de Mati Diop traite des migrants sénégalais disparus en mer et des conséquences sur leurs familles.
  • Les Sauteurs montre la vie des migrants bloqués à Melilla, essayant de franchir les barrières de l’Europe.

3. Les violences faites aux femmes et la lutte pour leurs droits

  • Moolaadé de Sembène s’attaque à l’excision et dénonce la pression sociale exercée sur les femmes.
  • Lingui, les liens sacrés de Mahamat-Saleh Haroun (Tchad) aborde l’avortement clandestin dans une société où les femmes n’ont pas le droit de disposer de leur corps.

4. La jeunesse, l’éducation et la précarité

  • La Pirogue de Moussa Touré met en scène le parcours périlleux d’un groupe de migrants.
  • Les Larmes de l’émigration de Alassane Diago explore la douleur des familles laissées derrière.

Ces films sensibilisent les spectateurs et provoquent une réflexion profonde.

IV. L’Impact du Cinéma Engagé sur la Société

Le cinéma engagé ne se contente pas de raconter des histoires, il agit concrètement sur la société.

  1. Éducation et sensibilisation
  1. Des films comme Moolaadé ont conduit à des débats communautaires sur l’excision, incitant des villages à abandonner cette pratique.
  2. Les Maîtres Fous de Jean Rouch a permis de démystifier les rituels de possession en Afrique de l’Ouest.
  3. Influence sur les lois et les politiques
  1. The Man Who Mends Women a soutenu la cause du Dr Mukwege et sensibilisé l’ONU sur les violences sexuelles en RDC.
  2. Atlantiques a poussé les gouvernements à renforcer la sensibilisation sur l’émigration clandestine.
  3. Création d’une mémoire collective
  1. Camp de Thiaroye a permis aux Sénégalais de découvrir un pan caché de leur histoire.
  2. Hyènes a mis en avant les conséquences du néocolonialisme sur les valeurs africaines.

V. Les Défis du Cinéma Engagé en Afrique et au Sénégal

Malgré son importance, le cinéma engagé est confronté à plusieurs défis :

  1. Manque de financement : La plupart des réalisateurs africains peinent à obtenir des fonds.
  2. Censure et pressions politiques : De nombreux films engagés sont interdits par les régimes autoritaires.
  3. Problèmes de distribution : Peu de salles de cinéma, un accès limité aux plateformes de streaming.
  4. Compétition avec le cinéma commercial : Le divertissement pur attire plus de spectateurs et de financements.

VI. Comment Soutenir un Cinéma Engagé ?

Pour renforcer le cinéma engagé, il faut :

  • Développer des fonds de soutien aux films engagés.
  • Créer des plateformes africaines de diffusion.
  • Organiser des festivals et des projections communautaires.
  • Former les jeunes cinéastes à raconter les réalités locales avec un impact global.

Conclusion

Le cinéma engagé en Afrique et au Sénégal est bien plus qu’un simple moyen de divertissement. Il s’agit d’un vecteur de transformation sociale, d’une arme pacifique contre les injustices et d’un outil d’éducation puissant qui éclaire les consciences et stimule les débats. En mettant en lumière des réalités souvent passées sous silence, il pousse à la réflexion, suscite l’indignation et incite à l’action.

Si des films comme Moolaadé ont contribué à l’éradication progressive de l’excision dans certaines communautés, si Atlantiques a permis d’ouvrir un dialogue sur les dangers de l’émigration clandestine, et si Les Sauteurs a exposé la dure réalité des migrants à la frontière de l’Europe, c’est bien la preuve que le cinéma engagé peut impacter les mentalités et influencer les décisions politiques et sociales.

Cependant, son potentiel reste sous-exploité en Afrique en raison de plusieurs obstacles :

  • Le manque de financement, qui empêche la production de films engagés en grand nombre.
  • La censure et les pressions politiques, qui brident la liberté d’expression des cinéastes.
  • La faible distribution, qui empêche ces œuvres d’atteindre un large public.
  • La concurrence avec le cinéma commercial, qui domine les salles et les plateformes numériques.

Face à ces défis, des solutions concrètes doivent être mises en place pour renforcer le cinéma engagé :

  1. Créer des fonds nationaux et internationaux dédiés aux films traitant de questions sociales.
  2. Encourager la production et la diffusion locale grâce aux chaînes de télévision, aux plateformes de streaming africaines et aux festivals de cinéma.
  3. Former la nouvelle génération de cinéastes engagés, en leur donnant les moyens techniques et narratifs pour raconter les réalités africaines.
  4. Multiplier les projections communautaires et les débats, afin d’ancrer ces films dans la réalité du public.

L’Afrique et le Sénégal, riches de leur histoire, de leurs traditions et de leurs luttes, doivent faire du cinéma engagé un pilier de la prise de conscience collective. Chaque film qui dénonce une injustice, chaque œuvre qui questionne l’ordre établi, chaque récit qui éveille une conscience est une victoire dans la bataille pour un monde plus juste.

Comme le disait Ousmane Sembène, « le cinéma est une école du soir pour éduquer nos peuples ». C’est donc un devoir pour les cinéastes, les institutions et le public de soutenir un cinéma qui éclaire, dénonce et inspire. Car si une image vaut mille mots, un film engagé peut changer mille vies.

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