Les arts et la culture occupent une place centrale dans l’édification des consciences et la construction des nations. En Afrique, et particulièrement au Sénégal, ils ne sont pas de simples moyens d’expression ou de divertissement. Ils sont le reflet de notre identité profonde, le miroir de notre histoire, le socle de nos traditions et la voix de nos ancêtres.
Dans nos sociétés, la parole du griot, le rythme du tam-tam, la danse du sabar, les contes au clair de lune, les tissus tissés à la main, les chansons populaires et les films engagés ont toujours joué un rôle éducatif, spirituel et social. Ils ont transmis des leçons de vie, enseigné le respect des aînés, la solidarité, la pudeur, la patience, l’amour du travail bien fait, la dignité, la vérité et la justice.
Aujourd’hui, face à l’essor des nouvelles technologies et à l’influence de modèles venus d’ailleurs, il est plus que jamais urgent de repositionner les arts et la culture comme outils de conscientisation et de valorisation de nos us et coutumes. Il ne s’agit pas de rejeter la modernité, mais de veiller à ce qu’elle n’érode pas ce que nous avons de plus précieux : nos valeurs africaines.
Cependant, il est important de dénoncer l’influence croissante de certains lobbies, souvent étrangers à nos réalités sociales et culturelles, qui agissent en coulisses pour orienter les contenus artistiques. Par le financement, la visibilité médiatique, ou la promotion de certaines idéologies, ces forces invisibles cherchent à redéfinir nos repères, à affaiblir la cellule familiale, à normaliser des comportements contraires à notre éthique sociale et religieuse, et à diluer notre identité dans une culture globalisée sans racines.
Face à cette pression insidieuse, les artistes africains sont souvent pris au piège entre leur désir de réussir, les exigences de certains mécènes, et la fidélité à leur mission sociale. C’est là que la responsabilité des pouvoirs politiques devient cruciale. L’État ne peut rester passif face à cette déconstruction culturelle. Il a le devoir de protéger nos créateurs, de les soutenir, de financer leurs projets porteurs de sens, de créer un environnement sain pour une expression artistique enracinée, libre et fidèle à nos valeurs.
Il est temps d’adopter des politiques culturelles fermes, lucides et courageuses. Le pouvoir politique doit être le rempart contre l’aliénation culturelle. Il doit mettre en place des mécanismes de régulation, renforcer l’éducation artistique dès l’école, valoriser les initiatives locales, encourager les contenus qui promeuvent la dignité humaine, le respect des traditions, la cohésion sociale et la spiritualité.
Nous devons encourager une culture qui élève, qui rassemble, qui guérit. Une culture qui montre la beauté de nos langues, la richesse de nos spiritualités, la force de nos familles, l’harmonie de notre rapport à la nature, et l’exemplarité de nos héros et héroïnes.
L’avenir de l’Afrique dépend de sa capacité à rester fidèle à elle-même tout en s’ouvrant intelligemment au monde. Et c’est à travers l’art, protégé et soutenu par une volonté politique forte et éclairée, que nous pourrons préserver cette âme qui fait notre singularité.
ABUBAKR